L’exposition /private/geometry/particularisation of form/ présente une sélection d’œuvres de l’artiste allemand Mischa Kuball qui puise ses références dans l’histoire de l’art moderne et notamment les avants-gardes du début du XXème siècle.  Dans ses installations, il reprend et décline les différentes formes géométriques (le rectangle, le cercle, le triangle, le trapèze ou l’hexagone, propres aux conceptions développées par le Bauhaus (1919-1933)) et joue sur les différents phénomènes de perception en combinant ces formes mais aussi en liant des lettres aux mots, utilisés alors comme des signes.

Cet artiste fait se refléter la lumière à travers ces formes de langage multiples. Au-delà de l’utilisation de ces ensembles de signes, c’est une véritable mise en scène par la lumière projetée ou réfléchie qu’il nous soumet.

Ainsi, la série de huit photographies Moderne Rundum, fait se chevaucher des formes lumineuses géométriques avec des images projetées d’architectures modernes. Par une construction rigoureuse de l’image, il évoque l’histoire de l’art et notamment l’histoire de la photographie en saisissant l’instant précis  où se croisent deux images, celle du collage (les assemblages des constructivistes) et celle de l’architecture (les principes posés par l’école du Bauhaus en la matière).

L’œuvre Bauhauslos est constituée d’un millier de combinaisons de quatre signes ou formes géométriques basiques. Entièrement réalisées à la main, Mischa Kuball les présente sous la forme de séries numérotées comme autant de billets d’une loterie pas si hasardeuse.
Sans jamais reproduire deux fois le même assemblage, l’artiste provoque ainsi la sensation limite d’être ou dans la répétition et ou dans l’unicité. Cette double dimension renvoie dans ce sens à la lecture qu’il propose de l’école du Bauhaus.  

Dans l’œuvre vidéo Anti-kino, Mischa Kuball revient à ce qui fait l’essence du cinématographe, et par là même à celle de son travail : la lumière. Ici, en filmant la lumière émanant d’un projecteur de salle de cinéma, il retourne son attention sur ce que le spectateur ne voit pas habituellement, et signifie ainsi que le cinématographe est un art indissociable de la lumière : matériau nécessaire à son existence, depuis le temps de l’impression de la pellicule, jusqu’à celui de la diffusion en salle. Le sujet du film projeté n’est plus (à l’origine, un film amateur d’un voyage sur le Bosphore) mais ce renversement fait que le spectateur devient acteur, sujet hypothétique d’un film.

Parallèlement, l’œuvre amateur film est le film d’un film projeté, n’excluant pas l’ombre de la caméra qui capte l’image une seconde fois. La mise en scène de cette installation (du matériel de projection posé sur une table basse, un écran, deux tabourets) repositionne le cinéma dans un cercle privé ;  le visiteur est invité à s’asseoir pour visionner le film dans un contexte proche de la conception domestique.

L’installation Vorkurs / Resopal se compose de trois projections diapo de formes géométriques dans des cadres en matériau type Formica (Resopal est un fabricant de ce genre de matériau). Ces cadres ont des dimensions inhabituelles, du point de vue de l’épaisseur des contours : le tableau devient sculpture, ou, en tout cas, se déploie dans l’espace. Les formes géométriques confortent cette idée, s’insérant dans le cadre ou bien débordant des limites du tableau. Mischa Kuball renvoie ici le spectateur vers les contre-reliefs d’angle de Tatlin (1915) ou bien vers la notion de déconstruction du tableau présente dans de nombreuses avant-gardes du 20ème siècle. L’œuvre ne se limite pas à deux dimensions, elle se déploie dans l’espace et dans le temps.

Six photographies imprimées sur aluminium sont disposées les unes aux dessous des autres dans l’œuvre Broca Remix. Telle une pellicule de film, la lumière projetée vient illuminer un panneau et s’anime de part la position du spectateur. Le défilement du temps, arrêté 1 moment par la photographie, pourrait reprendre son mouvement. Mischa Kuball explore ici les conjugaisons possibles et infinies entre les lettres et les formes, dans une démarche estétique mais aussi proche de l’analyse psychologique, scientifique ou neurologique. Mouvements de chiffres et de lettres qui renvoient à des études sur le langage et notamment sur l’aire de Broca (zone du cerveau qui permet de décoder des signes et d’en comprendre le sens).

Sur un principe similaire à celui de Vorkurs/Resopal, Mischa Kuball décline la forme tableau et la forme géométrique dans Apartment. Cette fois, les formes basiques sont projetées sur différents modèles de porte et à chaque modèle correspond un espace : sur la porte avec un œilleton c’est l’image d’une entrée qui est projetée.  Et ainsi de suite, déclinant les différents espaces domestiques. L’association de formes géométriques et de photographies d’espaces propose une double réflexion : quel regard porte-t-il sur un espace, sur une détail ? comment la lumière construit l’espace et comment elle permet de franchir la limite entre un espace extérieur et un espace intérieur ?

Enfin, l’installation Space, Speech, Speed située dans le hangar du centre d’art, met en scène trois boules à facettes (dont deux sont en mouvement) sur lesquelles sont projetés les mots space/speech/speed. Les reflets fragmentés dans l’espace déconstruisent les repères du spectateur. Mischa Kuball revient, ici, sur trois dimensions essentielles de l’art  mais aussi de la perception du monde par l’homme : l’appréhension de l’espace, le défilement du temps, la question du langage. Ces principes fondamentaux se développent à mesure que le spectateur se déplace dans l’œuvre. Sur les trois mots projetés, seul speed est immobile.