En écho avec le « monde extérieur », entre le réel et le virtuel, Navigation aux instruments propose un parcours à travers une ancienne mûrisserie des année 50 aux volumes et à la lumière contrastés. Le spectateur prend de plus en plus conscience de son état « instrumentalisé » dès son incursion dans le parcours imaginé par Olga Kisseleva.

Il découvre d’abord son corps en tant que maillon formant un circuit d’interactions, puis se perd dans un labyrinthe, guidé par des indices dans lesquelles il ne sait pas distinguer le vrai et le faux. Enfin, il se prête à un jeu virtuel modifiant le monde réel qui l’entoure… L’exposition est divisée en trois parties, chacune étant associée à la découverte d’un espace particulier à l’intérieur du bâtiment.

Si, pour créer ses œuvres, Olga Kisseleva s'appuie sur les technologies numériques, c'est pour mieux les interroger, pour nous faire prendre conscience de la place qu'elles ont pris dans notre vie et dans la société. Un constat, mais aussi une mise en garde. Loin d'être simplement fascinée par les apports de ces nouvelles technologies, Olga Kisseleva adopte une position critique vis-à-vis d'elles. La digi-cabane, nouvelle conception de l'espace, basée sur l'environnement des nouveaux médias plus que sur les données sociales et culturelles et habituelles, est une hypothèse projective sur les moyens et les formes d'interaction possibles entre réel et virtuel, ainsi que sur les conséquences possibles de ces nouvelles modalités d'action sur le monde.

Avec Navigation aux instruments, l’artiste pose ainsi la question de la frontière existant entre le réel et le virtuel, de notre rapport à ces deux dimensions qui sont de plus en plus confuses et entremêlées. Ses dispositifs immersifs créent une pénétration du réel dans le virtuel et vice-versa, les couches de réalité s'emboîtent les unes dans les autres comme des poupées russes. Olga Kisseleva prend un malin plaisir à brouiller les distinctions entre le vrai et le faux, entre ce qui est, ce qui pourrait être, et ce qui est ailleurs.

Celui qui maîtrise l'instrument du virtuel est aussi celui qui a le pouvoir sur le réel : le joueur manipule l'espace de l'œuvre, il a la capacité d'en faire évoluer les paramètres visuels et sonores. Est alors posée la question du risque des répercussions d'actions privées sur la sphère publique, d'une réalité sur l'autre, par le biais des nouvelles technologies. Risque aussi, pour celui qui a le pouvoir, de subir le contrecoup de ses actions sur son propre environnement, la digi-cabane...

Sur les quais, le spectateur se perd dans les méandres de l’espace aménagé, en faisant confiance aux indices virtuels. Le volume, complexe au départ, est complètement transformé en labyrinthe grâce à quelques cloisons ajoutées. La promenade dans ce labyrinthe est conçue à la manière d’un jeu vidéo. Le parcours est accompagné d’images qui ne sont visibles qu’un bref instant, des petits écrans s’allument quand le spectateur s’y approche. Toutes ces images traitent un seul sujet, lié à l’actualité. Originaires de médias différents, ces extraits sélectionnés par l’artiste en collaboration avec l’équipe scientifique du Centre de recherche sur la politique et l’information médiatique de l’Université Paris X, défendent des points de vues souvent opposés… La perception que le visiteur aura du sujet dépend du trajet qu’il emprunte à travers le labyrinthe.

L’espace de la grande salle est transformé en plateau de jeux télécommandés. Une digi-cabane y est installée. Le projet Digi-cabane est développé en collaboration avec le designer Vincent Tordjman. Ce projet a bénéficié d'une aide du DICREAM/CNC/Ministère de la Culture.

Dans le mot « cabane » c’est avant tout sa "dimension ludique" qui attire l’attention : on appelle « cabane » une petite maison que les enfants se construisent pour jouer dans le jardin ou sous la table de la salle à manger. Niché dans sa cabane l’enfant (ou l’adulte) tente de s’isoler du monde réel pour parfaire l’illusion du monde imaginaire qu’il est en train de construire au cours de son jeu. Il y a aussi dans ce mot un "aspect nomade" : la cabane comme un lieu d’habitation temporaire, lieu de passage des nomades modernes, dont l’ancrage principal dans le monde réel se situe au niveau de la prise du réseau. Nous avons actuellement de moins en moins de peine à changer de lieux d’habitations, de villes, de continents. Ces changements ne provoquent presque plus de modifications de l’aspect extérieur de notre vie quotidienne. Comme les nomades de l’ancien temps, on retrouve partout la même cabane préfabriquée. Comme une "cabane à outils", qu’on trouve au fond du jardin, la digi-cabane contient des outils pour transformer le monde réel à partir du virtuel. Et enfin, la "cabine de pilotage est un lieu d’où l’on émet des commandes et définit des directions...

« Digi » vient à la fois de « digitale » et de « DJ ». La racine « digi » du « digitale » souligne l’appartenance de la digi-cabane à l’univers du virtuel. La digi-cabane est à la fois un interface qui permet de piloter un ordinateur, et un espace à configuration variable. Sa forme est définie en temps réel en fonction des actions produites dans le jeu virtuel.

D’autre part, le joueur assis dans la cabane agit comme un DJ : il manipule l’interface, accomplit des actions dans le jeu. Le résultat de ces actions est visible sur le grand écran de projection qui occupe tout le mur face à la digi-cabane, mais il provoque aussi des changements dans la salle. Comme le DJ pendant le concert, le joueur produit des sons et des images et manipule la salle. Interface se situant au croisement de l’architecture, du design, des arts plastiques et des nouveaux médias, digi- cabane propose au visiteur de jouer et de naviguer entre le jeu et la réalité.