Trauerspiel est composé d’une série de photographies qui nous montrent des éléments architecturaux d’une série de villes (d’Istanbul à Berlin, en passant par Belgrade et Vienne), combinées avec des portraits de plusieurs personnages immigrants turcs qui développent  leur activité dans les pays qui composent ce parcours.

L’artiste a choisi comme titre  Trauerspiel, nom allemand que l’on peut traduire par le jeu (spiel) de la tristesse (trauer). On peut deviner que la « tristesse »  correspond à un double sentiment d’amertume qui envahit les immigrants : ils sont forcés de quitter leur pays, leurs racines pour chercher un meilleur avenir dans un lieu qu’ils ne connaissent pas  et qui peut leur être hostile. Les êtres représentés dans Trauerspiel ne cessent jamais d’être déplacés, il s’agit donc d’une tragédie, celle de l’exclusion sociale.

 L’action du récit est dynamisée par la répétition d’images, alternant entre photographies de bâtiments prises dans chaque ville et photographies des immigrants au travail. Le remplacement par étapes des images et des noms d’une ville par ceux de la ville suivante assure la motricité de la séquence.

En contrepartie, les photographies des bâtiments nous montrent la monotonie des villes ; les rues sont vides et nous révèlent la solitude dans laquelle se trouvent ces personnages, qui sont confinés au bas de l’échelle sociale. A la violence de l’histoire et au sentiment de détresse, ils répondent par la ruse et l’insolence. Pour éviter de devenir victimes, ils bondissent hors de la route de migration et s’échappent de la catastrophe continuelle.

Trauerspiel ne représente pas les immigrants turcs, encore moins leur souffrance, mais représente un problème, dont la solution est à inventer sur la scène politique : celui d’une représentativité effective des étrangers à l’heure et à l’échelle de la mondialisation.