Le point de départ de l'exposition "Sol Système" est un constat : durant le XXe siècle, l'oeuvre d'art est descendue petit à petit de son piédestal ou a quitté sa cimaise pour se répandre jusqu'au sol. Jean-Max Colard et Patrice Joly ont ainsi réuni les oeuvres de 17 artistes se jouant de cette problématique.

Dès l'entrée, le « paillasson » de Rainer Ganahl accueille le visiteur et l'invite à un parcours divertissant, agissant sur plusieurs niveaux ; les oeuvres de Gilles Barbier, Olivier Babin, Xavier Veilhan ou Virginie Yassef s'offrent à une lecture ironique ou burlesque, par leurs aspects ludiques et participatifs, détournant les codes. Gianni Motti, Andreas Dobler ou Stefan Nikolaev s'interrogent, quant à eux, sur la notion de territoire, tant physique que politique. Enfin, le système solaire est exploré par Bruno Peinado qui investit le patio, mais également par Andreas Dobler ou Gilles Barbier.

Cette exposition, qui déstabilise nos sens, est donc à découvrir avec les pieds. Elle ne génère pas de parcours au sens strict mais invite davantage à une déambulation, tant physique que sensible.

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C'est au sol que ça se passe... L'exposition "Sol Système" part d'un constat : tout au long du XXe siècle, on aura assisté à une lente destitution de la frontalité de l'oeuvre d'art, qui peu à peu descend de son piédestal ou quitte sa cimaise pour se répandre aux alentours, et jusqu'au sol. Quand Jackson Pollock radicalise le rapport du peintre au chevalet en peignant directement sur le sol, Carl André ne conserve de la sculpture qu'un socle aplati, un quasi-carrelage. Idée d'une exposition renversée, comme si tout avait glissé des murs au sol, enregistrant l'effondrement historique de toutes les verticalités. Du coup, l'air de rien, "Sol système" est une exposition post 11 septembre, où l'on continue à zéro, à ground zéro, une certaine histoire de l'art.

Désormais acquises, ces remises en cause de la verticalité ont également porté un coup sévère au caractère rétinien de l'œuvre d'art. En prenant le parti-pris de présenter pricipalement des œuvres au sol, "Sol système" plaide pour une nouvelle appréhension et un nouveau parcours de l'exposition... "à voir avec les pieds". Comme sur l'autotoute, une nouvelle qualité de goudron produit une conduite, des sons et une adhésion à la route soudainement différents. Le changement de sol affecte et modifie le comportement du spectateur. Ou comment réintroduire de la tactilité où domine la visualité et s'oppose au tout optique qui imprègne la société contemporaine.

Le contact avec l'œuvre d'art s'effectue de manière physique et non métaphorique. Pour l'essentiel, ces pièces sont praticables, on peut marcher sur elles, les fouler, s'immerger en elles. De loin, émanent des couleurs, la sensation de quelque chose au sol mais sans que l'on sache encore si le lieu est vide ou s'il est habité. Mais dans un deuxième temps, "Sol système" donne la possibilité de revoir les œuvres avec plus de hauteur : la configutation du centre d'art avec sa mezzanine surplombant le Patio, permet une seconde lecture, un retour à l'opticité, mais différée. De haut, c'est un étalage de lignes, d'aplats au relief écrasé.

Le sol est désormais vu du ciel. Cette élévation fait référence aux nouveaux mécanismes de vision (surveillance ou satellitaire) qui affectent en profondeur la perception du monde environnant en le soumettant de plus en plus à une vision seconde et déshumanisée, un panoptique à l'échelle planétaire. "Sol système" pointe cette nouvelle perspective historique tout en se refocalisant sur des préoccupations territoriales, originelles, "terre-à-terre". Ce retour à une proximité du sol permet d'aborder de nombreuses questions telles que la conquête des sols lointains et extra-terrestres, la politique du territoire et de son marquage, tout en donnant libre cours à des échappées ludiques qui envisagenet le sol comme un terrain de jeu.

Jean-Max Colard et Patrice Joly